Peuplé, dépeuplé

Création 2016

Je ressens une exaspération définitive concernant ce que je « fus », à tel point que le passé ici s’impose. Sentiment soudain d’une très grande vieillesse, impression très claire que ce que j’étais encore il y a quelques instants est devenu très vieux, proche d’être définitivement obsolète, et surtout, ce qui est particulièrement grisant, que rien étonnamment ne s’empresse de s’accaparer la place laissée vide. Dans le ressenti de cet « état d’être », cette question d’obsolescence se focalise notamment sur mon travail d’écrivain, sur ma relation à l’écriture, et j’ai le sentiment limpide qu’elle va dorénavant se vivre différemment. Plus rien ne se pensera plus à la manière de « S C », définitivement hors de mon rapport à moi-même, l’action devenue autonome se vivra dans ce beau vide référentiel, sans style, ma « sauce habituelle », dans l’ignorance et l’indifférence de qui je fus.

Correspondances, Simon Cranbafeni

Ce solo chorégraphique s’élance à l’assaut du Soi, dans la fureur des pulsations insufflées par un duo basse-batterie présent sur scène, à la fois rugueux et sensible.

Un dédale constitué d’une trentaine de stèles aux propriétés multiples et mouvantes devient le terrain miné du « je » agité, stable, aveugle.

Ici se joue le deuil de nos certitudes, entre résistance et renoncement, abandon et délivrance.

Un questionnement sur les états de l’être face à lui-même, porté par une danse rythmique, animale où rien ne se crée consciemment, mais surgit dans ce qui échappe.

Le mouvement fait résonner les failles, laisse entrevoir les brisures, révèle les strates fragiles de ce qui nous compose, pour mieux s’en détacher.

Vers quel dénouement ? Effacement ou renouveau ?

Un solo sur le deuil alors, qui puisse rendre sensible par la danse et la scène ce passage, cet entre-deux, où s’enchevêtrent attachement, résistance, renoncement, abandon et délivrance.

Tenter de se décentrer pour se déjouer nécessite de mettre en place des processus créatifs renouvelés, spécifiques, pour certains encore à inventer.

Aussi pour aller au bout de cette expérience, c’est l’intervention même de la volonté qui est mise de côté, la pièce tire exclusivement son matériau de base d’éléments élaborés en rêve ou révélés sous hypnose. Avec en point de mire cette idée, que toute la matière chorégraphique puisse prendre sa source au cœur de l’auteur, sans qu’il n’en puisse rien revendiquer, ni appartenance, ni propriété.

Le projet tient ainsi sa spécificité dans cette proposition de ne rien vouloir créer, et de chercher à ne faire émerger que des éléments préexistants, en leur offrant la possibilité de se réaliser.

Seront privilégiés les états de corps, les états de danse. Ce deuil doit être plutôt qu’un récit, une épreuve où le corps de l’interprète, avant tout autre élément, porte par ses mobilisations chorégraphiques successives les étapes dramaturgiques de la pièce.

© Photographies : Patrick Berger

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